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Denis Mukwege et l’avenir de la RD du Congo


MagkaSama Team - September 28, 2017
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Le Docteur Denis Mukwege est gynécologue, il est le fondateur et Médecin Directeur de l’hôpital Général de Référence de Panzi (faisant parti de la Panzi Foundation) en RD du Congo. Vous connaissez déjà bien ce médecin si vous nous lisez régulièrement, notamment par le biais de notre section En Route to Congo, ou bien si vous nous suivez sur Twitter @MagkaSama, les activités de Denis Mukwege l’amenant à faire régulièrement la une de l’actualité.

Depuis près d’une décennie, il a reçu de nombreux prix : le prix Olof Palme et le prix des droits de l’homme des Nations unies en 2008, en passant par le prix de la fondation Clinton ou bien encore le prix Sakharov en octobre 2014. L’année précédente son nom avait même été cité pour le prix Nobel de la paix. Denis Mukgewe est un homme de conviction, investit et dont la voix porte loin et fort.

Un film a même été consacré à cet homme ‘qui répare les femmes‘ depuis plusieurs décennie ; nous avions organisé une soirée spéciale à l’occasion de la sortie en France du film de Thierry Michel, coécrit avec Colette ­Braeckman ‘L’homme qui répare les femmes – la colère d’Hippocrate’ à laquelle nous avions invité nos membres et lecteurs à nous rejoindre pour la projection du film. L’émotion était au rendez-vous de ce superbe film-documentaire.

Quelques mois plus tard, nous avons organisé une discussion en ligne dans le cadre de la sortie du livre : ‘Plaidoyer pour la vie‘ aux Editions l’Archipel. Denis Mukwege y livre un témoignage d’une force incroyable, de sa jeunesse à ses études de médecine, et nous fait prendre conscience de la catastrophe humanitaire du Congo. Le récit d’un homme courageux dans un ouvrage plein d’émotion que nous vous conseillons vivement d’acheter.

Une émotion d’autant plus forte que les violences faites aux femmes sont grandes, et que le péril est grand. En effet, en 1996, l’hôpital de Lemera dont le Dr Mukwege était le directeur, est détruit, plusieurs malades et infirmiers sont alors assassinés et il échappe de peu à la mort. En 2012, alors qu’il rentre chez lui à Bukavu, il est victime d’une agression à laquelle il échapera à nouveau. Ce docteur dérage, manifestement.

S’en suivront quelques mois d’exil en Belgique, puis un retour à l’Hopital de Panzi, ardemement soutenu par les femmes qui ont cotisé pour qu’il revienne. Les violences faites aux femmes, aux enfants, aux bébés est extrême. Dans cet article de l’année dernière, nous avions relevé les mots de Denis Mukwege dans une interview télévisée dans laquelle il qualifie ces viols ‘d’acte terroriste, de crime de guerre, de crime contre l’humanité‘.

Cette situation terrible du Nord-Est du Congo, au Kivu, n’est pas nouvelle : née sous Mubutu avec sa gestion dramatique de l’ex-Zaïre, nourrit par le tout proche génocide Rwandais et manipulée par le ‘successeur’ de Mubutu, Laurent-Désiré Kabila, ce que certains surnomment ‘la première guerre mondiale‘ du continent Africain est en fait un pillage en règle des ressources du Congo, dont on écorche la terre autant que le corps des femmes et des enfants.

Une dizaine de pays impliqués, des groupes et des sous-groupes, des rebelles, un pouvoir brutal, une classe politique divisée, un pays pillé, sa population violentée et tuée… Ce qu’il se passe au Congo est un drame quotidien et comme l’indique le Dr Mukwege : ‘Le monde ne peut plus dire qu’on ne savait pas‘, puisque chaque jour, nous, consommateurs connectés, cautionnons ces actions par nos achats.

Nos téléphones mobiles ne sont pas tout à fait propres‘ déclare Denis Mukwege. Et si l’on ne peut être tenus responsables des actions du passé et des conséquences de la colonisation particulièrement  dévastatrice du Congo, l’expérience de l’histoire ne nous autorise plus à dire que nous ne savions pas. Cette impuissance face aux exactions ne nous exonère pas d’une prise de conscience nécessaire et solidaire.

L’actuel président n’est autre que Joseph Kabila qui a succédé à son père après son assassinat en 2001. Une présidence marquée par une répression brutale des opposants (lire notre article : ‘Septembre Rouge‘ en 2016), une corruption omniprésente, des pouvoirs publics sans ressource, de nombreux conflits (Kasaï, Kivu…) et près de 4 millions de déplacés… Kabila, dont le second mandat a expiré sans que de nouvelles élections ne soient programmées, reste fermement accroché au pouvoir. Et la répression continue alors que celle de septembre 2016 que nous évoquions plus haut, reste toujours impunie…

Dans ces conditions, difficile d’imaginer une amélioration prochaine et rapide des conditions de vie des Congolais. L’un des leaders de l’opposition, Félix Tshisekedi (fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi), affiche sa détermination, mais d’autres comme l’opposant Martin Fayulu (Ecidé) a d’ores et déjà confirmé qu’il soutiendrait Denis Mukwege s’il se présentait aux prochaines éléctions.

Encore faut-il qu’elles aient lieu, et à l’heure où nous publions cet article, rien n’est moins sûr. Dans une interview accordée au magazine Der Spiegel cet été, Joseph Kabila indique qu’il n’a ‘rien promis du tout‘ concernant l’organisation de nouvelles élections, et ce malgré son engagement à les organiser d’ici la fin de l’année 2017 dans un accord signé le 31 décembre dernier…

Un peu plus de dix ans après son discours aux Nations Unies dans lequel Denis Mukwege déclarait sans détour concernant les viols : ‘C’est une nouvelle technique de guerre qui nous est imposée. C’est un mal de notre siècle. Ce n’est pas une conséquence de la guerre, c’est la guerre elle-même, une tactique qui vise à détruire par la transmission du VIH et la mutilation‘, rien à changer, au contoire. Et il aujourd’hui encore, toujours en danger et vit sous protection.

On ne peut vraiment pas dire qu’on ne savait pas.



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